Sur le linteau de la cheminée de la grande salle de réception du Châtel sont peints deux chevaliers qui s’affrontent. Une femme les sépare. Elle tient un étendard dans chaque main, aux couleurs de chacun des deux combattants et sa robe est parsemée d’écus, alternant ces deux mêmes armoiries.


Le chevalier de gauche porte des armoiries sur lesquelles se distingue clairement un lion. Mais concernant le chevalier de droite, l’analyse est bien plus délicate.
À première vue, cette tige centrale barrée de deux branches courbes terminées par des sortes de fleurons pourrait faire penser à un créquier.


Pourtant le créquier, ce végétal héraldique, comporte trois branches et non deux, des feuilles lancéolées et non lobées et l’on voit ses racines, ce qui n’est pas le cas au Châtel.
Après une petite enquête dans différents armoriaux, j’ai trouvé ceci :

Cet armorial français des années 1500 donne l’information suivante : Eyk porte d’argent à… Le copiste n’a pas su blasonner cet étrange écu. Il s’est donc contenté de donner le nom de son propriétaire.
Puis, en cherchant un peu plus, j’ai trouvé l’original flamand sur lequel avait vraisemblablement été copié cet armorial français.

On s’aperçoit ici que les branches ne se terminent pas vraiment par des fleurs, mais par des formes lobées dépourvues de bouton central. De plus, les anneaux représentés sur le manuscrit français pourraient ici être de simples protubérances symétriques de part et d’autre des branches de ce végétal très stylisé.
Quelques connaissances de vieux néerlandais permettent de faire rapidement le lien entre le nom de famille “Eyk” et sa signification dans le langage courant : “le chêne”. Il devient ainsi évident que nous sommes en présence d’armes parlantes, c’est-à-dire d’armoiries dont la représentation forme une sorte de rébus avec le nom de la personne qui les porte.
Pour achever de nous convaincre que le chevalier de Theys porte des armoiries au chêne (ou à la branche de chêne), il suffit de lever les yeux vers le manteau de la cheminée et de s’apercevoir que le médaillon de l’histoire de Perceval qui est mis en valeur à cet endroit représente le cheval du héros broutant devant un très beau chêne, reconnaissable à ses feuilles ondulées. L’arbre se dresse au centre du médaillon et n’apparaît qu’une seule fois dans l’ensemble des peintures murales du Châtel, ce qui confère à son apparition une grande importance.
Ce premier mystère résolu, il reste à savoir ce que signifie cet affrontement et qui se cache derrière ce blason si rare et inconnu des armoriaux des grandes familles du Dauphiné, de la Savoie et du Genevois.
La suite dans un prochain article à venir…
Térence Le Deschault de Monredon
Médiéviste – chef du projet Châtel
Conseiller patrimonial de la commune de Theys
Je suis ravi que ce “Chatel” attire tant d’intérêt. À partir de là il sera peut-être, je l’espère, possible de trouver l’histoire de Theys qui a certainement eu un passé de très grande importance. En effet, un si grand nombre de châteaux, de maisons fortes et de grandes demeures nobles est tout à fait exceptionnel. Et ceci dans un “petit village” comme Theys aujourd’hui. J’aimerais bien connaître cette historique qui est certainement en relation avec les évêques de Genève. Merci pour votre travail.